
Intermède – Un projet de paysage autour du pĂ©riphĂ©rique nord : Des amĂ©nitĂ©s pour compenser les nuisances ?
Au dĂ©but des annĂ©es 1980, le maire de Lyon d’alors, Francisque Collomb, contribue Ă mettre en avant le thème de « Lyon, ville fluviale » autour de l’idĂ©e de reconquĂ©rir un rapport perdu avec les cours d’eau qui traversent la ville et en font sa spĂ©cificitĂ© gĂ©ographique, paysagère, environnementale. Le 28 janvier 1991, la remise du SchĂ©ma d’amĂ©nagement des berges de la SaĂ´ne et du RhĂ´ne, dit Ă©galement « Plan Bleu », donne une traduction plus concrète et un programme Ă cette idĂ©e de « reconquĂŞte du fleuve ».
Le « Plan Bleu » a plusieurs objectifs, parfois laissant entrevoir une forme de contradiction. Entre amĂ©lioration de ce que l’on qualifie alors de « cadre de vie », d’embellissement paysager et de consolidation de l’image de la ville, de production d’espaces rĂ©crĂ©atifs et de loisirs, la « reconquĂŞte du fleuve » sert des visĂ©es Ă©conomiques, environnementales, touristiques et marketing liĂ©es. Claire Gerardot invite ainsi Ă nuancer le mythe vĂ©hiculĂ© par les discours entourant le « Plan Bleu » d’un nouveau moment de « retour au fleuve » initiĂ© au cours des annĂ©es 1980-1990 et qui trancherait radicalement avec une pĂ©riode fonctionnaliste, hĂ©ritière des principes d’amĂ©nagement du territoire de l’après-Second Guerre mondiale.
Dans ce cadre, la CitĂ© internationale et le pĂ©riphĂ©rique nord doivent jouer un rĂ´le important : les deux projets mettent ainsi en valeur la façon dont ces amĂ©nagement d’envergure qui n’ont pas de vocation Ă©cologique initiale, tiennent nĂ©anmoins compte de cette question. A l’Ă©tĂ© 1994, le dĂ©but des travaux du pĂ©riphĂ©rique nord sont l’occasion de mettre en avant, Ă cĂ´tĂ© des prouesses techniques du percement du tunnel sous Caluire-et-Cuire Ă l’aide de ce qui est alors le plus grand tunnelier du monde, les amĂ©nagements planifiĂ©s sur les berges du RhĂ´ne. Ceux-ci sont d’abord des travaux importants d’artificialisation du cours du fleuve : son lit doit ĂŞtre recalibrĂ© (approfondi) car sa largeur doit ĂŞtre rĂ©trĂ©cie par le dĂ©ploiement des infrastructures nĂ©cessaires Ă la construction du tronçon nord du pĂ©riphĂ©rique mais Ă©galement celui d’une digue au pied de la CitĂ© internationale.
 Fig. 8 – Photo aérienne du Rhône (IGN Remonter le temps, 1992)
Fig. 9 – Photo aérienne du Rhône (IGN Remonter le temps, 1996)
Si ces aspects ne sont pas vĂ©ritablement mis en avant, les amĂ©nagements paysagers occupent une place importante du travail de communication de la COURLY sur la rĂ©alisation du pĂ©riphĂ©rique nord et de la CitĂ© internationale. Ainsi, dans une plaquette intitulĂ©e « Le RhĂ´ne et son paysage » faisant la promotion d’une exposition organisĂ©e en octobre 1993, la COURLY prĂ©sente son projet d’amĂ©nagement des berges du RhĂ´ne entre le pont PoincarĂ© et le pont Winston-Churchill. La rĂ©alisation est assurĂ©e par deux grandes figures des projets de paysage, Michel Corajoud et Alain Provost. SĂ©lection d’espèces d’arbres, amĂ©nagement d’un parc public dans le quartier de Saint-Clair et dĂ©ploiement d’une passerelle piĂ©ton entre ce mĂŞme quartier et l’autre rive du RhĂ´ne, vers la CitĂ© internationale, amĂ©nagement de places piĂ©tonnes et de pistes cyclables, mise en place d’une zone de frai pour les poissons, tout est pensĂ© pour permettre aux citadins de « vivre au rythme du fleuve » (AMĂ©tro, 2381W006, « Le RhĂ´ne et son paysage », 1993).
La plaquette en question Ă©voque le cas de la Feyssine qui doit intĂ©grer ce dispositif de « retour au fleuve » en affirmant que si elle Ă©tait jusqu’Ă prĂ©sent « urbanisable, [elle] est classĂ©e zone naturelle ». Ce passage permet d’Ă©voquer les visions divergentes entre Charles Hernu et Michel Noir sur la place de la Feyssine dans l’agglomĂ©ration : si du point de vue du premier, il doit y avoir une continuitĂ© logique entre « Villa urbana » et la CitĂ© internationale, le second est rĂ©ticent Ă cette idĂ©e Ă un moment oĂą il avance l’idĂ©e d’une « coulĂ©e verte » reliant le parc Miribel-Jonage au nord-est de l’agglomĂ©ration, jusqu’au parc de la TĂŞte-d’Or dans le centre, en passant par les espaces naturels de la Feyssine dont l’avenir est encore incertain au tout dĂ©but des annĂ©es 1990. Le « Plan Bleu » offre ainsi une forme de traduction Ă ce projet qui permet aussi de compenser les impacts paysagers, visuels et environnementaux des amĂ©nagements de la CitĂ© internationale et du pĂ©riphĂ©rique nord.
Plus marquant sans doute sont les projets paysagers plus localisĂ©s qui doivent se dĂ©ployer au niveau des Ă©changeurs intra-urbains, comme Ă Vaise, oĂą l’amĂ©nagement du raccordement au pĂ©riphĂ©rique nord doit donner lieu au dĂ©boisement de la colline de la Vernique, situĂ©e au nord-est du quartier. Il est ainsi prĂ©vu de reboiser entièrement la colline, sur la base d’une Ă©tude paysagère, en Ă©tageant des plantations sur plusieurs sĂ©ries de plateformes : l’objectif affirmĂ© est ainsi d’embellir un projet routier d’envergure qui marque l' »entrĂ©e de ville et doit donner l’image de la CitĂ© […] l’automobiliste abordant la ville doit ĂŞtre imprĂ©gnĂ© d’une ambiance digne d’une grande mĂ©tropole ». Le maire d’Ecully, Jean Rigaud, continue en reconnaissant que « la première Ă©tape de rĂ©alisation de l’ouvrage dĂ©bute par un chantier quelque peu pĂ©nalisant pour l’environnement » mais nĂ©anmoins compensĂ© par « une Ă©tude paysagère poussĂ©e » qui doit apporter « un plus qualitatif et quantitatif indĂ©niable sur l’ensemble du site ». Sont mis en avant la sĂ©lection des espèces vĂ©gĂ©tales pour l’amĂ©nagement paysager, le soin apportĂ© Ă leur disposition, mais Ă©galement, les aspects plus concrets du rĂ´le fonctionnel de tels amĂ©nagements qui visent à « faire Ă©cran visuel et d’amortir les bruits existants pour les habitations voisines » (AMĂ©tro, 2381W001, « Bonjour Ecully », juin 1993).